lundi 31 décembre 2018

Pas un instant






Pas un instant il n'imagine son désarroi
Il vient une fois de plus de la rabaisser
A quel point elle est conne
Et puis elle est inintéressante
Et vieille

Il dit ça juste parce qu'il est las
Qu'il est à bout
Il sent son corps qui lâche
Il n'a pas envie de baisser les bras
Pourtant tout est si lourd
Si dur

Alors il est méchant
Il ne retient plus l'agressivité
Il voudrait tant se battre encore
Mais l'adversaire est si 
immensément 
absent

Où es-tu la vie ?
Où es-tu ?

Il ne sait plus
 s'il pleure
s'il crie
ou s'il meurt










dimanche 30 décembre 2018

Germination







Tu n'auras pas besoin d'elles pour aller là
Les graines ne volent que pour mieux tomber
C'est toujours vers l'ombre que les racines plongent
C'est ainsi que les yeux voient lorsqu'ils se referment
Ouverts ils sont éblouis



























jeudi 20 décembre 2018

Ocytocine










Où vont les gens qu'on jette
Comme des coquilles vides
Y-a-t-il un lieu sacré pour eux
Tour ou tombeau
Ouvert dans la terre ou
Construit comme un monticule vers le ciel
Indiquez-moi leur chemin
Ne les laissez plus errer
Et les oiseaux les becqueter










vendredi 14 décembre 2018

Traversés





Nous sommes 
l'Entier et le non-Entier
l'Un-porté-vers-l'Autre
et l'Un-à-l'envers-de-l'Autre

Serge PEY







Pour lui dire



Elle s'est réveillée, émerveillée
Elle venait de rêver
Ils étaient devant une fenêtre
Et  regardaient dans une bouteille en verre
Des petits êtres vivants venus de la mer
s'agiter dans la lumière

Elle s'est levée a attrapé ses lunettes et un pull
l'a enfilé à l'envers, l'a remis à l'endroit
a cherché ses lunettes entortillées dedans
ses pieds dans les pantoufles à moitié enfilées
Elle est montée au bureau, a écrit pour se rappeler
Pour lui dire












vendredi 30 novembre 2018

CARVER Raymond








Dormir



Il a dormi sur les mains.
Sur un rocher.
Sur ses pieds.
Sur les pieds de quelqu'un d'autre.
Il a dormi dans des bus, des trains, des avions.
Dormi pendant le service.
Dormi au bord de la route.
Dormi sur un sac de pommes.
Il a dormi dans une sanisette.
Dans un grenier à foin.
Au Super Dome.
Dormi dans une Jaguar et sur la plate-forme d'un pick-up.
Dormi au théâtre.
En prison.
Sur des bateaux.
Il a dormi dans des baraquements et, une fois, dans un château.
Dormi sous la pluie.
Sous un soleil ardent il a dormi.
A cheval.
Il a dormi sur des chaises, dans des églises, des hôtels de luxe.
Il a dormi sous des toits étrangers toute sa vie.
Maintenant il dort sous la terre.
Il n'en finit pas de dormir.
Comme un vieux roi.






Raymond CARVER







vendredi 23 novembre 2018

Petite culotte









Tout au dessus il y a ce qui se présente juste devant les yeux
Comme un genre d' élastique avec le temps qui serre un peu
Juste dessous la petite musique familière du manque
Parfois dans cette zone le juke-box fatigué rejoue
Un vieil air connu par le cœur et aimé mot à mot
Plus profondément les remous des tripes 
qui remontent et redescendent
donnent le mal de mère
Et tout au fond
la fillette
dort et rêve







(ça fait comme une petite culotte de mots
qu'on lave chaque jour)












dimanche 18 novembre 2018

Coupe









J'étais heureuse et je le savais
J'étais heureuse
et je n'osais pas
parler

Je     n'osais    pas    bouger

Tant

ses
 lèvres

 étaient

proches




Je ne voulais pas


 que



 ça





 s'arrête


















Gibran, Khalil








"Quant à ce que vous m'écrivez : "Que vous êtes heureux, vous qui trouvez des satisfactions dans votre art" - j'y ai réfléchi longuement. Non, May, je ne suis ni heureux, ni satisfait. Il y a en moi quelque chose qui ne peut jamais être satisfait, mais qui ne ressemble aucunement à de la convoitise, quelque chose qui ne peut jamais connaître le bonheur mais ne ressemble en rien à de la tristesse. Au fond de moi, il y a un frémissement continu et une souffrance incessante, et je ne désire changer ni l'un ni l'autre - dans une pareille situation, un homme ne peut connaître le bonheur ni reconnaître la satisfaction, mais il ne se plaint pas parce qu'il y a un certain réconfort et une certaine transcendance à se plaindre.
Etes-vous heureuse et satisfaite de vos grands talents ? Dites-moi, May, êtes-vous heureuse et satisfaite ? Je puis presque vous entendre murmurer : "Non, je ne suis ni heureuse ni satisfaite". Le contentement est satisfaction et la satisfaction est limitée - alors que vous n'êtes pas limitée. Quant au bonheur, il vient quand on est ivre du vin de la vie ; mais celui dont la coupe a sept mille lieues de profondeur et autant de largeur ne pourra jamais connaître le bonheur tant que la vie ne sera pas déversée tout entière dans sa coupe. Votre coupe, May, ne fait-elle pas mille et une lieues de profondeur ?"
Khalil Gibran (lettres d'amour)







vendredi 16 novembre 2018

Anne Paule







"Mes amis ? je ne leur demande que le désespoir que je place en eux"

Tu m'avais donné un jour cette parole de Desnos, je ne l'avais pas comprise à l'époque. Aujourd'hui je comprends, je crois.
Si on ne peut espérer de la compréhension/ compassion de la part de ses amis ? De qui alors ?








Jellyfish Kurosawa







jeudi 15 novembre 2018

Rêve 15 novembre 2018



Je l'avais rencontrée dans la rue. Elle parlait ma langue dans ce pays étranger, si propre, si ordonné.
Je l'avais invitée à partager mon repas, et elle avait accepté, posant près d'elle un petit sac à dos contenant visiblement toutes ses maigres possessions. La conversation avait été gaie et riche. A la fin elle s'est levée et a voulu prendre congé. Un peu désemparée, je l'ai suivie et je l'appelais : "Frisson, Frisson...reviens" ...



Hier je me suis réveillée en appelant ma mère ... décidément, dans mes rêves, en ce moment, tout le monde me quitte ;)



mardi 13 novembre 2018

souffle au cœur







On n'a aucune envie de guérir d'un chagrin
 le chagrin est tout ce qu'il y a de fidèle

 Jean-Philippe Domecq
En hommage à Anne Dufourmantelle














jeudi 8 novembre 2018

A proprement parler



Il y n'a pas dans le concept d'invention d'obligation de résultat. On invente un truc. Ça fonctionne ou pas. Si ça ne fonctionne pas et qu'on n'est pas trop découragé, ou un peu inconscient, on recommence. Sinon, on se laisse tomber.












mardi 6 novembre 2018

un petit geste doux






d'un mouvement anodin
une grande douleur peut se réveiller
d'un petit geste doux
elle peut se rendormir





Wanjin Gim
















lundi 5 novembre 2018

Note aux lecteurs




Bonjour à vous qui avez la bonté de me lire.

Vous l'avez compris, c'est ici comme un atelier de mise en formes de mes pensées presque au jour le jour...Du coup, souvent les textes sont assez bruts, et lorsque je les relis, ils subissent parfois certaines corrections, souvent de détail...supprimer une répétition par ci, aérer par là ...remanier l'enchaînement des lignes. Et je vous conseille d'attendre toujours quelques heures avant de les lire.

J'aime écrire en poussant les textes sur la droite, je n'aime pas trop imposer une ponctuation.
La ponctuation c'est votre souffle ou le mien, et je sais que quoi que je fasse, nous ne respirerions pas de la même façon. Et c'est bien.

Le silence sied à l'hiver, pourtant je regrette les échanges que nous avions autrefois d'un blog à l'autre.
Certains d'entre nous s'en sont allés vers d'autres sphères. D'autres sont venus s'amalgamer dans le silence de la lecture muette.

Chacun est bienvenu dans la présence invisible qui nous relie.

Je vous souhaite d'être heureux.


















samedi 3 novembre 2018

Poisson d'or





3 novembre 2018, journal

Assise les yeux au jardin je me saoule de musique et puis de silence, ce bon gros silence froid et lisse glisse en une douche sur l'agitation de l'esprit. Je regarde l'atelier vide qui est comme éteint, sans l'été, sans l'hiver. Je voudrais pouvoir marcher et écrire en même temps. Mais marcher est pour le moment difficile. Il faudra pourtant le rédiger ce livre pour lequel on me paye. Je vais donc me transformer en bocal pour ce poisson que je dois peindre. Ce sera un poisson sans eau, un poisson rouge, sans mémoire. Un poisson d'or.
Parfois l'or est glacé.











jeudi 1 novembre 2018

Rêve vertigineux







J'étais avec d'autres, peintres, ensemble regroupés comme lors de ces grandes célébrations du commerce de l'art dont le public semble friand. Nous levions la séance...chacun regagnait l'endroit où il devait aller dormir.
Je suis partie en vélo, avec une petite remorque attachée derrière.
La nuit était fraîche et agitée. Partout la rumeur des êtres humains en fond. J'ai voulu éviter le chahut de la foule. Je suis arrivée sur un promontoire. En bas, je distinguais la ville en train de s’éteindre dans la brume. Il n'y avait pas de parapet.
Pas de garde-corps, de balustrade, de protection ...rien.
En dessous, le vide, vertigineux.
Je reculai.
Trois fois je suis revenue à ce point.
Trois fois.
La deuxième fois accompagnée, puis la troisième fois seule.
la troisième fois j'ai été comme projetée tout au bord.
Ouf, moins une, me suis-je dit...la prochaine fois ...
Trois fois.
Pour finalement me réveiller.











Clore








on ne lui enlèvera rien
elle gardera son corps comme une forteresse
ses seins en sont les deux tours
son clitoris en est la clé
son vagin est un pont levis
vers la petite bouche qui t'aspire
tout au fond son utérus est la grotte secrète
où se fabriquait la vie
elle est vieille mais elle s’arc-boute encore et encore
comme pour éclore encore
elle cambre les reins
on ne lui enlèvera rien

















jeudi 18 octobre 2018

Dans la forêt un grand cerf












Dans ta forêt je me rencontre
Je suis ce grand cerf aux yeux de biche
Caché dans l'ombre
Nimbé du pétrichor des bois de mon père
comme un cadeau d'enfance sans triche
Quand je te perds
Je m'assieds dans la mousse
Dans les feuilles mortes craquantes
comme sous tes pieds la neige douce
celle de cette anecdote épatante
conservée au congélateur
de ta mémoire.

Dans ta forêt règne à présent un chasseur
Il a pris ton visage et ta voix
A côté de lui une chienne aboie
Ton absence ne me fait pas peur
J'en sens l'exactitude revêche
La parfaite courbure comme l'arc à sa flèche

Auprès du plus vieil arbre je cherche refuge
Je sais que lui jamais ne me juge
Il est droit il est fort et
C'est auprès de lui que je m'endors























mardi 16 octobre 2018

Il y a peu









*

tout a bougé
ça a commencé
tout doucement
la première fois on n'y fait pas attention
puis si, de plus en plus
il y a peu

Ce qui est important c’est la droiture, le courage, l’innocence
De plonger et de descendre.
ça vient de là
(de l'eau)
du mystère
c'est fort
et irrépressible
bon
par nature

*

je suis avec toi
sans toi
mais si tu n'étais
plus là
ce ne serait pas
pareil


*













lundi 15 octobre 2018

Deux fois la même






Parfois il m'arrive d'écrire deux fois la même page
alors il faut tout recommencer.












Au jardin de pluie














quel bonheur de ne pas avoir les mains assez grandes
 pour récolter les dernières figues de l'année
et recevoir dans les yeux
quelques gouttes d'eau de pluie
 ruisselant des feuilles 










mardi 9 octobre 2018

Manon, petite fille






tu es attendue Manon, petite fille
nous te sourirons en cœur
et nous nous battrons tous
pour que tu vives
le mieux possible
nous te barbouillerons d'or
et d'air et d'eau et de chaleur
et de baisers
cette nuit j'ai rêvé de toi
endormie contre ta sœur

















Manon est née le 10/10 à 5h !
Tout s'est bien passé

Bobin, Christian





"C'est bon, les lèvres d'un autre, cela donne à vos lèvres à vous un goût de violettes, cela vous donne un cœur tremblant et doux, un écureuil dans la cage d'os, un poisson d'or dans le sang rouge."
 Isabelle Bruges





"C’est le droit élémentaire de ceux que j’aime de me quitter sans aucune explication.
Sans raisonner leur départ.
Sans prétendre l’adoucir pour des raisons qui seront toujours fausses.
Ceux que j’aime, je ne leur demande rien.
Ceux que j’aime, je ne leur demande que d’être libres de moi et de ne jamais me rendre compte de ce qu’ils font ou de ce qu’ils ne font pas, et, bien-sûr de ne jamais exiger une telle chose avec moi.
L’amour ne va qu’avec la liberté.
La liberté qu’avec l’amour. »





"Ce n'est pas moi qui vois les choses. Ce sont les choses qui me donnent les yeux. 
Les images pures, personne ne les invente. L'âme de l'arbre se sépare un instant 
de l'arbre, vient sur la page, écrit le poème sur l'arbre et signe Ronsard."
 La nuit du cœur





" L'arbre est devant la maison, un géant dans la lumière d'automne. Vous êtes dans la maison, près de la fenêtre, vous lui tournez le dos. Vous ne vous retournez pas pour vérifier s'il est bien toujours là – on ne sait jamais avec ceux qu'on aime : vous négligez de les regarder un instant, et l'instant suivant ils ont disparu ou se sont assombris. Même les arbres ont leurs fugues, leurs humeurs infidèles. Mais celui-là, vous êtes sûr de lui, sûr de sa présence éclairante. Cet arbre est depuis peu de vos amis. Vous reconnaissez vos amis à ce qu'ils ne vous empêchent pas d'être seul, à ce qu'ils éclairent votre solitude sans l'interrompre. Oui, c'est à ça que vous reconnaissez l'amitié d'un homme, d'une femme ou d'un arbre comme celui-ci, gigantesque et discret. Aussi discret que gigantesque. "

L'inespérée





"Quand j’aime quelqu’un, je ne fais pas de détail. Je le prends dans mes bras et je l’emporte à jamais. Je lui ouvre une petite chambre dans la maison rouge du cœur. Avec ses défauts, avec sa jeunesse, les choses imprécises, les choses maladroites, tout ça."

Pensées tirées d'une interview de Christian Bobin





" Aimer quelqu'un, c'est le lire. C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le cœur de l'autre, et en lisant le délivrer. C'est déplier son cœur comme un parchemin et le lire à haute voix, comme si chacun était à lui-même un livre écrit dans une langue étrangère. Il y a plus de texte écrit sur un visage que dans un volume de la Pléiade et, quand je regarde un visage, j'essaie de tout lire, même les notes en bas de page."


La Lumière du monde 





"Les hommes regardent les femmes et ils en perdent la vue. Les femmes regardent les mots d'amour et elles y trouvent leur âme."

La grande vie.




"On peut donner bien des choses à ceux que l'on aime. Des paroles, un repos, du plaisir. Tu m'as donné le plus précieux de tout: le manque. Il m'était impossible de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore. Ma maison mentale, ma maison de cœur était fermée à double tour. Tu as cassé les vitres et depuis l'air s'y engouffre, le glacé, le brûlant, et toutes sortes de clartés."


" Personne n'a une vie facile. Le seul fait d'être vivant nous porte immédiatement au plus difficile. Les liens que nous nouons dès la naissance, dès la première brûlure de l'âme au feu du souffle, ces liens sont immédiatement difficiles, inextricables, déchirants. La vie n'est pas chose raisonnable.
On ne peut, sauf à se mentir, la disposer devant soi sur plusieurs années comme une chose calme, un dessin d'architecte.
La vie n'est rien de prévisible ni d'arrangeant. Elle fond sur nous comme le fera plus tard la mort, elle est affaire de désir et le désir nous voue au déchirant et au contradictoire.
Ton génie est de t'accommoder une fois pour toute de tes contradictions, de ne rien gaspiller de tes forces à réduire ce qui ne peut l'être, ton génie est d'avancer dans la déchirure, ton génie c'est de traiter avec l'amour sans intermédiaire, d'égal à égal, et tant pis pour le reste.
D'ailleurs quel reste ..."

La plus que vive




"Quand on aime quelqu'un, on a toujours quelque chose a lui dire ou à lui écrire, jusqu'à la fin des temps"
Geai


"Je ne saurais vous dire la jouissance que me donne votre corps, lorsque vous me l'abandonnez. Aucun langage ne le recueille. Aucun regard ne la contient. Les amants éprouvent, sans le comprendre ce qu'est l'éternité : 
elle se confond avec la faiblesse qui précipite leur souffle. 
Elle obscurcit leur sang et fait la nuit autour d'eux, comme il arrive dans une souffrance, lorsqu'une flamme élance les chairs les plus tendres. 
La jouissance engendre un savoir sans équivalence sur l'éternel : elle révèle en nous bien trop d'enfance et de douceur pour que mourir, jamais, en vienne à bout . les mains sur la peau touchent l'âme à vif .
Elles en sentent la palpitation . Elles en deviennent le trouble."
 Souveraineté du vide suivi de Lettres d'or












dimanche 7 octobre 2018

Etre uniquement








Et puis il y a eu le jour où 
nous nous sommes autorisés à 
à aller plus loin
plus loin ? ou plus près ?
disons au plus près
ce jour où 
il n'y avait plus de distance
ce jour sans barrière
ce jour sans 
ce jour sans ? ou ce jour avec tant ?
ce jour là
hier ... aujourd'hui... demain peut-être
ce temps toujours à refaire 
ce début sans cesse recommencé
ce jour là
 ce magnifique jour
où tout peut s'arrêter, reprendre, finir
finir ? ou être ?

être uniquement





Lilya Kouhan











jeudi 4 octobre 2018

la dernière fois








La dernière fois que je t'ai pris dans mes bras je n'ai rien ressenti
rien
tu n'étais pas là

tu n'étais pas présent pour moi
il a fallu que je te prenne dans mes bras pour en être sûre
c'était la dernière fois.







mardi 2 octobre 2018

Passe passe







aimer c'est tracer des choses dans l'air
et que quelqu'un 
merci
les continue
si rien ne se passe
passe
quelqu'un d'autre les attrapera
demain
et
un autre jour





33







je t'aime Lucas










borderline





pourquoi je n'ai jamais eu besoin d'aller chercher les sensations fortes dans ma vie
je me suis souvent posée la question 
marcher sur la crête entre deux précipices, 
se balancer sur un pont de lianes mal attachées qui s'effilochent,
nager au milieu des requins 
...


la panique que ressent le papillon 
qui au bout de tant d'efforts
sortant de son enveloppe (tissée de lui-même)
sent que non, la deuxième aile ne se dépliera pas
...


les petites morts
le manque
la faim
la peur
tout ça je connais bien
...



et je vois la ligne
parfois je la sens juste du bout du pied
poussière envolée
quand elle me laisse tomber
parfois je l'invente
fil barbelé
...


parfois je l'écris



































Don





On donne souvent malgré soi
la générosité consiste à ne pas faire faire payer ce don à l'autre
élégance, délicatesse
discrétion
rareté







Anna Christine Roda - huile -











dimanche 30 septembre 2018

Implosion






Urgence à sortir de cet état de sommeil ce matin
Longtemps j'ai eu peur de ce qui brûle en moi
Comme porter une bombe en soi
Incontrôlable
Une trop grande conscience de cette humanité
Si explosive
La sentir là
Dans ma cage thoracique tellement 
Envahissante
Ne plus savoir si
Je suis dedans ou dehors
Etre partout
Implosée











dimanche 2 septembre 2018

Christiane



S’immobiliser. Stopper la toupie verbale qui entraîne notre esprit dans sa giration obsessionnelle.
Se taire passionnément. Et chaque fois qu’une association de pensées se faufile, s’immisce dans une fêlure de notre attention, la rejeter impitoyablement.


Ne rien faire, ne rien déranger.


Dériver.


Assise sur un rocher, je laisse le froid visiter l’épaisseur de mes jupes.
Me traversent le crissement et les bruits, l’odeur de la terre.
Suspension. Pointe aiguë. L’envie de crier.
Soudaineté de la perfection.

Je n’écoute pas. Les sons me recouvrent comme un lichen.
Je ne regarde pas. Les branches et leurs ombres poussent dans les yeux ouverts.
Je ne respire pas. Un souffle régulier m’habite et me scande.
Je ne flaire pas. Les odeurs m’enfouissent au ventre leurs rhizomes.

Absence et suspension.
Où allais-je chercher l’aventure. ?

Une escapade semblable permet au moins deux découvertes : en ne faisant rien, celui qui n’a rien fait a déjà fait beaucoup; et ce qu’il faut à l’homme pour aller au bout de ses rêves et de ses possibilités n’est rien d’autre que ce qu’il a déjà : son corps.



http://lesinsoumis.org/christiane-singer-la-transmission-de-lessentiel/

jeudi 30 août 2018

Se souvenir









Il nous appartient à chacun en propre de nous souvenir des beautés qui nous ont émus.
Nous sommes tous et toutes dépositaires de quelque chose, 
d'une multitude de choses que personne d'autre n'a vécu ni ne vivra jamais.
Nous sommes des rêvothèques, des instantothéques, des baisothèques.
Le partage et la poussière sont notre destinée.









Indécence





Il y a quelque chose d'insupportable dans cette tendance humaine
 à s'engouffrer dans les brèches, à les transformer en failles, puis
 à y insérer des écarteurs puissants jusqu'à ce qu'un gouffre se crée.
Un profond dégoût m'envahit. Je ne peux plus lire les journaux, 
écouter les discours bien rodés à la radio, je ne peux plus...
Rien de plus indécent que l'humanité qui se regarde 
crever dans le miroir.








mercredi 29 août 2018

Caillou









entrer dans un temple 
comme on jette un caillou
au milieu des pigeons
et que tout s'envole autour









Recette





 j'avais cuisiné un plat
courgettes oignons champignons riz rouge
un peu de noix de cajou
c'était pour toi, c'était bon
je voudrais que tu t'en souviennes






lundi 27 août 2018

Une vie à la va-vite







et chaque jour sentir un peu plus la durée
intérieurement
ce sentiment du début et de la fin
simultanément
savoir que toute chose commence et s'achève
en même temps
à peine né
à peine ouvert déjà refermé
à peine venu reparti
accessoirement
comme une trajectoire filante
un acte pressé
innocemment
une vie à la va-vite
une vie à refaire
infiniment
















Cela ne pourra se faire







cela ne pourra se faire que dans la mer
dans les bras de la mer
comme une évidence
cela ne pourra se faire que dans le ciel
dans les yeux du ciel
comme une danse
cela ne pourra se faire qu'avec les étoiles
au dessus de nous
comme un trou








Pas moins






j'aime l'imperfection de ces moments
que tu n'y arrives pas, que tu échoues
qu'il faille recommencer
et en rire

j'aime que tu évites le vocabulaire du drame
les mots durs, les mots doux
les formules usées des contrats
comme des pièges

j'aime que tu ne me demandes pas plus
que tu te contentes du partage
de l'entente, de l'écoute
pas moins








vendredi 10 août 2018

Le sucre





Avez-vous déjà remarqué à quel point parfois
lorsque deux personnes ont vécu le même événement
elles en gardent un souvenir différent ?
Parce que, probablement, ce n'est pas le même événement.

Ce n'est pas ça ce que je voulais
Ce que je voulais c'était que tout soit relié
Mais ça ne fonctionne pas comme ça
Il faut que toutes les parties soient d'accord
Quand l'un propose il faut que l'autre dise oui
Il faut même que toutes les parties disent oui
Ca n'a l'air de rien un oui qui manque et pourtant
ça peut changer tellement de choses
Un non aussi vous me direz.

Bien sûr tout n'est pas perdu
Il reste un mardi par semaine
Il ne peut y avoir qu'un mardi par semaine
Il ne peut y avoir qu'une heure par semaine
Il ne peut y avoir qu'un peu moins d'une heure 
C'est comme ça.

Le sucre accroît la soif au lieu de la combler
J'aurais beau tourner ça dans tous les sens
Tourner ça à en crever
Le sucre accroît la soif
Et pourtant

Tout est relié.














jeudi 2 août 2018

le dire je ne puis, le faire je ne peux







perdante ou gagnante
ma valise était vide 
mon cœur débordait
il était plein de fuites 
mitrales ou pas

donnant donnant
c'était il y a longtemps
ai-je grandi depuis ?
qu'ai-je compris ?
la différence entre un criquet et une libellule
l'un chante, l'autre pas
une toute petite fille me l'a dit
c'était l'été
aujourd'hui

le seul alibi








samedi 28 juillet 2018

Ici, là-bas, ailleurs







Ici quelque chose se joue dans la conception de cette enfant
Là bas un homme vit et travaille en pensant à moi


Ailleurs il y a toi dont je ne saisis que des parcelles

nacelles  fragiles colportées à présent au gré des ondes
Telles des augures qu'il faudrait lire dans les entrailles du ciel,

là où l'eau se pose
en l'air.



Mon cœur est un flotteur dans son armature d'os.
Il est le messager d'une puissance qui m'échappe.

Faut-il que je lise entre tes rides ?
Que puis-je faire pour toi ?
As-tu décidé de faire de moi ton témoin impuissant ?


Ou est-ce moi qui t'invite dans un chantier en perpétuel recommencement ?
Pardonne moi de t'en demander implicitement éclairage



Notre temps est compté.
Ne cherchons rien d'autre que de le vivre en équilibre


enfoncés
dedans
Cherchant sur nos doigts combien il reste.