dimanche 18 novembre 2018

Gibran, Khalil








"Quant à ce que vous m'écrivez : "Que vous êtes heureux, vous qui trouvez des satisfactions dans votre art" - j'y ai réfléchi longuement. Non, May, je ne suis ni heureux, ni satisfait. Il y a en moi quelque chose qui ne peut jamais être satisfait, mais qui ne ressemble aucunement à de la convoitise, quelque chose qui ne peut jamais connaître le bonheur mais ne ressemble en rien à de la tristesse. Au fond de moi, il y a un frémissement continu et une souffrance incessante, et je ne désire changer ni l'un ni l'autre - dans une pareille situation, un homme ne peut connaître le bonheur ni reconnaître la satisfaction, mais il ne se plaint pas parce qu'il y a un certain réconfort et une certaine transcendance à se plaindre.
Etes-vous heureuse et satisfaite de vos grands talents ? Dites-moi, May, êtes-vous heureuse et satisfaite ? Je puis presque vous entendre murmurer : "Non, je ne suis ni heureuse ni satisfaite". Le contentement est satisfaction et la satisfaction est limitée - alors que vous n'êtes pas limitée. Quant au bonheur, il vient quand on est ivre du vin de la vie ; mais celui dont la coupe a sept mille lieues de profondeur et autant de largeur ne pourra jamais connaître le bonheur tant que la vie ne sera pas déversée tout entière dans sa coupe. Votre coupe, May, ne fait-elle pas mille et une lieues de profondeur ?"
Khalil Gibran (lettres d'amour)







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