mardi 15 décembre 2020

JOZSEF Attila

 

Là sur mon front

pose ta main

comme si ta main

était ma main.

 

Serre-moi fort

comme à la mort

comme si ma vie

était ta vie.

 

Et aime-moi

comme à bonheur

comme si mon cœur

était ton cœur.

 

Attila Jozsef - Mai/juin 1928 - traduit du hongrois par Francis Combes

Disproportions

 16 novembre 2012 VDI



Et je m'en fous bien si ses ailes sont trop grandes

S'il monte si haut que le vertige me prend

Que nos jambes nous trahissent et s'emmêlent sans qu'on n'y prenne garde

Alors que tout le monde nous regarde

Je m'en fous bien que son monde soit si beau

Que pour le décrire je ne trouve pas de mots

S'il n'y en a aucun il me donnera la main où s'accroche parfois le carnet bleu

S'y nichera une fleur musicale

Un désert de verdure pâle

Dont je serai l'animale parure

 

répliques

8 décembre 2012 VDI




 Mes yeux se ferment même lorsqu'ils sont ouverts

mes yeux sont ouverts, même lorsqu'ils sont fermés

Les questions remontent à la surface comme des cadavres gonflés d'eau cherchant la lumière

Oubliant le repos

Comment savoir d'où l'on vient et où on va ?

Qui suis-je pour dire qui je suis ?

La vie nous secoue

J'ai voulu les larmes de joie plus fortes que le chagrin

On ne peut farder la pluie





Bataille Georges




 « Nous ne pouvons découvrir qu’en autrui comment dispose de nous l’exubérance légère des choses. A peine saisissons-nous la vanité de notre opposition que nous sommes emportés par le

mouvement ; il suffit que nous cessions de nous opposer, nous communiquons avec le monde illimité des rieurs. Mais nous communiquons sans angoisse, pleins de joie, imaginant ne pas donner prise
nous-mêmes au mouvement qui disposera pourtant de nous, quelque jour, avec une rigueur définitive.


« Sans nul doute, le rieur est lui-même risible et, dans le sens profond, plus que sa victime, mais il importe peu qu’une faible erreur – un glissement – déverse la joie au royaume du rire. Ce
qui rejette les hommes de leur isolement vide et les mêle aux mouvements illimités – par quoi ils communiquent entre eux, précipités avec bruit l’un vers l’autre comme les flots – ne pourrait
être que la mort si l’horreur de ce moi qui s’est replié sur lui-même était poussée à des conséquences logiques. La conscience d’une réalité extérieure – tumultueuse et déchirante – qui
naît dans les replis de la conscience de soi – demande à l’homme d’apercevoir la vanité de ces replis – de les « savoir » dans un pressentiment, déjà détruits – mais elle demande aussi qu’ils
durent. L’écume qu’elle est au sommet de la vague demande ce glissement incessant… »


Georges Bataille « L’expérience intérieure »




mardi 24 novembre 2020

On ne sait pas où ils vont





Un homme court vers moi à grandes enjambées

Je me retourne (sur mon passé)

Puis je me tourne (vers l'avant)

Le coureur a disparu

Peut-être a-t-il pris un autre chemin

Peut-être a-t-il fait demi-tour

Parfois des gens courent vers vous

Puis disparaissent

On ne sait pas où ils vont







dimanche 8 novembre 2020

Bouillon

 



Je bous.
Depuis quelques jours je sens que la colère m'envahit.
Elle sort par petites explosions, ce cheveu qui se colle sur ma figure et que je n'arrive pas à enlever, cette paire de lunettes que je perds sans cesse.
Je bous.
Je n'en peux plus de tout ce qu'on n'arrive pas à faire ni à défaire.
Ces choses qui nous dépassent et nous tuent.
Ces questions que je croyais résolues une fois pour toutes et qui ne le sont pas.
Ne le seront sans doute jamais.

Mon cœur est comme un geyser d'eau brulante.
La plupart du temps il ne laisse rien échapper et puis d'un coup un jet brulant monte au ciel.
Voilà ce que je suis, une source bouillante qui par intermittence lance ses stances au ciel sous forme de bubons qui explosent.





lundi 26 octobre 2020

Comme si de rien n'était

 


Cette année plusieurs personnes de mon entourage sont morts, Carole d'abord, d'un cancer, Emilio ensuite d'une crise cardiaque, j'ai appris inopinément que Fabienne était décédée il y a plusieurs années déjà, sans que je sois au courant. Lorsque je pense à eux je sens comme un creux en moi. Quand je passe devant la maison d'Emilio, je pense à T qui y est seule à présent. Nous nous voyons moins, parfois nous ne nous voyons plus, et sans le savoir, sans le vouloir, c'est la dernière fois. Et tout autour, tout continue, comme si de rien n'était.








dimanche 25 octobre 2020

Ame précieuse

 




Rares sont les personnes que l'on connait vraiment, et rares sont les personnes qui nous connaissent vraiment.
Nous passons des heures dans nos journées à n'être aux yeux et à la conscience des autres, qu'une infime partie de nous-mêmes, non pas volontairement mais de fait, lorsque la fonction l'exige. Bien sûr il ne s'agit là que de transmission, comme si on ne donnait pas toutes les clés de la maison que nous habitons. En réalité nous sommes nous-mêmes entiers à chaque seconde. Nous habitons toutes les pièces de notre maison. Certains d'entre-nous ont aussi un jardin, effroyable parfois, le compost n'est en général pas notre endroit préféré.
Toutes les plantes qui s'y trouvent n'ont pas forcément été plantées par nous. Elles ont été choisies avec soin ou bien apportées par les oiseaux. On les a quelquefois transportées d'ailleurs avec certains parasites, et certaines ne se sont pas adaptées et sont mortes. Il y a aussi ce qui nous a été donné, comme ce pied de lilas de grand-mère ou cette anémone du Japon, ou encore les roses de Noël. Quelques-unes ont prospéré et se sont reproduites, il arrive même que nous en partagions les fleurs et les fruits en abondance.

De même comme dit Jean Dutourd :
Quand l'âme d'un artiste se coule entièrement dans son œuvre, celle-ci en devient la projection exacte.
Elle ne ressemble qu'à lui qui ne ressemble à personne. Les pensées (1990)











jeudi 22 octobre 2020

L'entends-tu ?






Je dors verticale

J'envoie un cliquetis

J'attends le signal

Rien ne vient de lui


Dans mon rêve

Il se lève

Oublie son masque

Et se glisse dans la bourrasque

...............................................................................................................................................................

des bulles crèvent à la surface de ma conscience

j'ai dormi dans une main où je tenais toute entière





Photo : G Baratieu (merci)

















mardi 6 octobre 2020

L'exil Harmonium

 


Tout change
Et tout me dérange
Je nous reconnais plus
Les murs tremblent
Y'a plus rien qui nous ressemble
Même le nom de ma rue
Dis-moi à quel âge
Je vais pouvoir voler
D'un centième étage
Où est-ce qu'il est le nord
Quand tu regardes dehors
Le monde s'endort
Je vois des lignes au creux de nos mains
Qui ne servent plus à rien
Des signes au fond de la peau
Qui en disent un peu trop
Puis, je vois la fin encore plus sûre
Par un coup de poing dans le mur
Je vais juste être bien
Quand je vais me retrouver tout nu
Au creux de mon lit, caché ben loin
Au fond de mon appartement
J'ai moins peur du ciment
C'est bon d'entendre marcher
Quelqu'un sur l'autre plancher
Tout penche
Y'a trop de monde sur la même branche
C'est contre la nature
Ma rue est sombre
L'amour se tient à l'ombre
Pour cacher sa blessure
Dis-moi vers quel abri
Je vais pouvoir voler
Comme tu voles mon pays
Une cage
Cache ton visage
Le monde m'enrage
Des lignes froides comme du béton
Se croisent à l'horizon
Des signes enfouis sous le gel
L'amour est parallèle
Puis je vois l'exil encore moins sûr
Je prends mon élan, puis je rentre dans le mur
Tout tient comme sur un fil
Les dos tournés pour fin de journée
La peur tombe sur ma ville
Comme dans un vieil asile
Tout le monde s'entend craquer
Les murs vont débarquer
Ça déborde
Tout le monde tire sa corde
C'est fragile
Démarcher sur un fil
C'est tragique
Finir dans un cirque
C'est mortel
Suivre un carrousel
Bien accrochés à nos parapluies
Y'en a qui marchent, d'autre qui s'ennuient
C'est juste en tombant
Qu'on partage le même cri
C'est comme si tout le monde payait sa place
Pour voir chacun d'en haut perdre la face
Quand le show est fini
Je tombe toujours en bas du lit
C'est blessant
Vivre en noir et blanc
Quand t'as le cœur
Rempli de couleurs
C'est étrange
L'orchestre se mélange
C'est une parade
Tout le monde est malade
Ben cachés sous nos parapluies
Y'en a qui foncent, d'autre qui s'enfuient
Tomber de si haut
On fait tous le même bruit
C'est comme marcher au-dessus d'un abîme
En bas, la foule demeure anonyme
Me reconnaissez-vous?
C'est moi, le crisse de fou
Qui marche au-dessus de la ville

Parolier : Serge Fiori













vendredi 2 octobre 2020

Première fois

 Il arrivait ce matin.

Pour l'attendre je me suis balancée dans le vieux rocking-chair, longtemps.

Puis j'ai pris un bon bain chaud.

Je suis allée réveiller François.

Il a pris ma petite valise.

Nous avons pris l'ascenseur, marché jusqu'à la voiture.

Je me suis installée, nous avons roulé.

Sur le parking il ne devait pas y avoir encore grand monde.

Il était quoi ? Cinq heures ? Six heures du matin.

Ascenseur encore. Ouille ça commence à tirer fort dedans.

On n'est pas seuls, enfin façon de parler: une sage-femme est là.

Je ne sais pas encore qu'elle ne mérite pas son nom.

Elle maugrée: elle n'a pas eu le temps de prendre son café.

Elle me laisse m'installer dans la salle d'accouchement.

Il y a une fenêtre devant moi, avec vue, sur la forêt.

Je pense au soleil. Il se lève. Je ferme les yeux.

Le soleil est à l'intérieur de moi.

Je sens sa chaleur.

Je viens d'arriver et il faut déjà pousser.

Lucas est au rendez-vous. 

L'air traverse ses poumons et les ouvre comme un parachute.

Nous nous regardons pour la première fois.

Il pleure en cherchant à téter.


Je viens de vivre la plus grande aventure de ma vie.


La femme me prend mon bébé.

Il y a une autre femme, elle est fille de salle.

Fille de sale.

Par terre à côté d'elle elle a posé un balai et une serpillère dans un seau.

L'autre lui confie notre enfant, puis s'en va.

François reste un peu avec moi car il ne veut pas me laisser seule.


Lucas ne nous est pas rendu.

Nous ne savons pas où il est, ni ce qu'on lui fait.

Le temps est long.

François va chercher la femme, elle lui dit : "on se demandait si vous aviez envie de le voir"

J'ai envie de crier, mais ça y est François revient avec notre fils, notre premier né.


JOIE


Premier jour

Deuxième jour

Troisième jour

Quatrième jour, samedi, Lucas pleure beaucoup, mais on est samedi et "il ne faut pas déranger le pédiatre pour aussi peu".

Cinquième jour, dimanche, Lucas pleure anormalement beaucoup, mais on est dimanche et "il ne faut pas déranger le pédiatre pour aussi peu". On me retire mon enfant "il sent votre lait et ça le perturbe"

Sixième jour. Le pédiatre finit par ausculter Lucas. "Il a une jaunisse. Il faut le mettre sous une lampe et tout rentrera dans l'ordre. Ne vous inquiétez pas "

Septième jour. Nous sommes toujours bloqués là. Lucas a toujours la jaunisse.

Nuit.

"Madame, votre enfant ne va pas bien"

" il a faim c'est l'heure de la tétée?"

"Non, il ne va pas bien du tout"

je veux le voir

François est déjà là, effondré

Notre bébé est là dans une petite salle sombre avec d'autres bébés dans des couveuses

je le cherche

il dort

je crois qu'il dort

mais je sais que non

on me l'a dit

alors je le vois sans le reconnaître


Je tiens un tout petit mort dans mes bras

j'ai vingt deux ans

C'est la première fois.






On nous a demandé si nous étions d'accord pour participer à un programme de recherche sur la mort subite du nourrisson. Nous avons accepté l'autopsie. Celle-ci révèlera un nombre de bactéries record dans ses poumons et dans les méninges ainsi que dans son sang. Lorsque je suis revenue à la clinique pour réclamer les traces des soins effectués sur mon enfant durant son séjour, le médecin qui me suivait m'a donné un carnet de santé vide, et voyant que j'étais à nouveau enceinte m'a laissé entendre que le prochain bébé ne serait certainement pas viable, étant donné que, au vu du rapport d'autopsie le thymus de Lucas était anormalement gros. Sa remarque était non seulement cruelle mais infondée.

C'était faux. Le thymus grossit lorsqu'il est confronté à une infection. L'organisme de Lucas s'est battu. Mais les adversaires étaient trop coriaces et trop nombreux. Et il était si petit.

Il a suffi d'un doigt sale enfoncé dans sa bouche. Un doigt atrocement sale.

J'ai rencontré la femme médecin légiste à l'hôpital Saint Antoine à Paris, elle m'a tout expliqué. Qu'elle soit remerciée. C'est elle qui a tenu notre petit Lucas dans ses bras pour la dernière fois.

Il aurait aujourd'hui 34 ans.


Puis, trois autres enfants m'ont réparée. Ils sont mes soleils. Ma JOIE.









Lucas Cranac 1525

















samedi 12 septembre 2020

Zéphir



*


Nos corps sont bien maladroits à dire 

Ce que le silence nettoie

Et du désir il ne reste rien
Qu'un petit vent, un zéphir

Même pas une ombre

Alors...aucune lumière ?




*








vendredi 11 septembre 2020

Épaves




Étranges étrangers que nous sommes les uns aux autres

L'un à l'autre étranger si connu 

Qui contenons-nous ?

Des petites filles aux pieds nus 

Des garçons aux lunettes si épaisses

Des souvenirs luttant contre le vent

Les marées successives

Épaves que nous avons dû abandonner

Retournées





lundi 31 août 2020

Étoile




*


 - Oui, mais mon âme ?

- Ne bouge plus, je la vois

Elle s'étoile


*








Tendres boyaux








je veux que tu me donnes le temps de ton horloge intérieure
m'accorder sur ton tempo, m'accomplir dans ta durée
résonner dans tes vibrations charnelles
y accorder mes cordes sensibles
tendres boyaux









A poil animale






Doux de te savoir là-dessous

Sous la pluie dans un lit

Allongé nu partout

Tes doigts dans mon corps

C'est fort je t'avoue 

A poil animale

Tu me rends mon loup

Féroce et mystérieux

Revenu de tout

Tu es lent

Je te veux

D'un coup






jeudi 20 août 2020

Nuque



*


                                                                        

Il fait très chaud

J'ai relevé mes cheveux

Ma nuque attend ses mains



*





C. Evers







dimanche 19 juillet 2020

Dans ton jardin


J'observe les eaux dormantes
l'autre vient parfois nous caresser d'un brouillard très doux
Après la sécheresse de la pierre, ça fait du bien.
Je veux comprendre ce qui m'empêche de saisir la vie.
A mon réveil je voudrais que tout soit blanc:
ce serait rudement beau.

J'aime la lenteur:
comme celle d'une caméra qui tourne sur elle-même.
Observer la fuite de la lumière
car elle fuit toujours -je le sais-
et dans ton jardin je regarde
de mieux en mieux.













jeudi 2 juillet 2020

Quartz






mes pauvres secrets nagent au fond de ma mémoire
tournant en rond tels des poissons noirs
devenus presque transparents
ils ne sont plus aussi brillants
ayant laissé l'ombre les envahir
j'ai tant fait pour ne pas me trahir

lorsqu'à la lumière je les remonte

petits quartz à peine coupants
je les dépose un à un
comme des fleurs séchées sur une tombe
attendant le souffle
 qui les emportera




*


















lundi 8 juin 2020

Anima







Aujourd'hui j'ai appris à mes élèves à peindre un ciel.
Je fais un métier formidable.















*



vendredi 15 mai 2020

GIONO Jean



"Chaque forme de la technique aura exactement sa forme formée avec de la chair sans souvenir, sans membres en trop, sans souffrance possible. La beauté est un mot poétique. Ce sera désormais un mot technique. Cette chair sera belle. Sa beauté est son exacte utilité. Non, ce n'est pas ici que vous avez reculé d'horreur. Le gouffre de la raison technique ne peut pas vous donner le vertige. Il vous est familier ; il vous est plus familier que votre propre beauté. Vous avez déjà perdu le commandement de vous-même. Ce que vous haïssez, ce qui mot à mot a meurtri votre chair déjà mystérieusement désespérée, c'est tout le reste du livre. Il parlait à de vieux souvenirs qui depuis longtemps sont en trop. Je vais vous dire le vrai motif de votre haine : vous n'avez trouvé personne à adorer dans ces pages ; et vous avez un terrible besoin d'adorer. La grande vérité est précisément qu'il n'y a rien ni personne à adorer nulle part. Et voilà l'endroit où je vais vous laisser pour qu'à partir de là vous fassiez vous-même votre espérance. Je ne fais effort ni pour qu'on m'aime ni pour qu'on me suive. Je déteste suivre, et je n'ai pas d'estime pour ceux qui suivent. J'écris pour que chacun fasse son compte." 

Le poids du ciel





Ces étudiants qui viennent souvent me voir et dont la jeunesse est si amère, je les interroge sur leurs projets d’avenir. Je suis bouleversé de leur amertume, je souffre de leur souffrance. Ils sont comme si une partie de moi-même était en train de mourir. Ils me disent qu’ils consacrent ou qu’ils ont consacré de longues années – et les meilleures – à préparer et à passer des examens sévères, des concours difficiles.  Ils ont des diplômes. Ils se plaignent de n’avoir pas les places auxquelles ces diplômes donnent droit (…) Ils se désespèrent de ne pouvoir être professeur, contrôleurs des finances, astronomes. Si d’autres sont dans ces places, ne t’en inquiète pas, laisse-les. On a dû te dire qu’il fallait réussir dans la vie ; moi je te dis qu’il faut vivre, c’est la plus grande réussite du monde. On t’a dit : « avec ce que tu sais, tu gagneras de l’argent. » Moi, je te dis : « Avec ce que tu sais, tu gagneras des joies. » C’est beaucoup mieux.

Les vraies richesses



C’est à ce moment là que je me souciai de l’âge de cet homme. Il avait visiblement plus de cinquante ans. Cinquante-cinq, me dit-il. Il s’appelait Elzéard Bouffier. Il avait possédé une ferme dans les plaines. Il y avait réalisé sa vie. Il avait perdu son fils unique, puis sa femme. Il s’était retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement, avec ses brebis et son chien. Il avait jugé que ce pays mourait par manque d’arbres. Il ajouta que, n’ayant pas d’occupations très importantes, il avait résolu de remédier à cet état de choses.

l'homme qui plantait des arbres


"Jourdan, tu te souviens d'Orion fleur de carotte ?
- Je me souviens
- Le champ que tu labourais, le tabac que tu m'as donné ?
- Je me souviens
- Tu m'as demandé : "N'as-tu jamais soigné les lépreux ?"
- Je me souviens comme d'hier. Tu m'as répondu: "Non; je n'ai jamais soigné les lépreux."
- Tu traînais une grande peine.
- Oui
- Plus de goût
- Non.
- Plus d'amour.
- Non.
- Rien.
- La vieillesse, dit Jourdan.
- Tu te souviens, dit Bobi, de la grande nuit ? Elle fermait la terre sur tous les bords.
- Je me souviens.
- Alors je t'ai dit: regarde là-haut, Orion-fleur-de-carotte, un petit paquet d'étoiles.
Jourdan ne répondit pas. Il regarda Jacquou, et Randoulet, et Carle. Ils écoutaient.
- Et si je t'avais dit Orion tout seul, dit Bobi, tu aurais vu les étoiles, pas plus, et, des étoiles çà n'était pas la première fois que tu en voyais, et çà n'avait pas guéri les lépreux cependant. Et si je t'avais dit : fleur de carotte tout seul, tu aurais vu seulement la fleur de carotte comme tu l'avais déjà vu mille fois sans résultat. Mais je t'ai dit : Orion-fleur-de-carotte, et d'abord tu m'as demandé : pardon ? pour que je répète, et je l'ai répété. Alors, tu as vu cette fleur de carotte dans le ciel et le ciel a été fleuri.
- Je me souviens, dit Jourdan, à voix basse.
- Et tu étais déjà un peu guéri, dis la vérité.
- Oui, dit Jourdan

Que ma joie demeure

dimanche 19 avril 2020

Il serait mort





S'il n'avait pas cette barbe qu'il n'arrive plus à raser 
parce que ses mains tremblent
s'il n'avait pas ce ventre qui pend
si son sexe n'était pas au centre comme un colifichet oublié
s'il ne portait pas ce regard désabusé sur lui-même
Il serait mort














Incompréhension





- Ai-je provoqué ta lassitude ? Ai-je choqué ta pudeur par des hommages trop appuyés ?
- Attends-tu de moi des éloges pour la façon dont tu agis ? Veux-tu être rassurée ?
- Je te témoigne mon intérêt
- J'ai plutôt l'impression parfois que tu déposes des fleurs sur une tombe




Kenne Gregoire










samedi 18 avril 2020

Elle part



Embrassée par l'horizon elle déploie ses ailes
Cette nuit elle a embrassé sa nuque et son odeur lui est revenue
Elle s'est sentie mortelle dans le manque de lui
dans l'extinction de sa voix
dans la fermeture de ses paupières
Elle a crevé l'orage de poussières qui la retenait au port
Elle est partie

Elle a vu son cœur transparent battre dans ses veines bleues
Touché du doigt son souffle qui l'a soulevée
Appuyée sur un coude elle a mesuré l'ampleur de ses blessures
Elle ne désire plus rien
Il n'y a plus rien à désirer
Tout est là
Alors elle est partie

Elle ne pourra pas le retenir
Il n'est déjà presque plus là
Elle le voit la tête dans les nuages
Ses soucis se fondent en eau
la tempête de son cœur se calme
Elle laisse tout
Elle est au point zéro
C'est son tour

Elle part

























samedi 11 avril 2020

Le ciel au dessus de moi



Ce soir j'ai compris pourquoi nous aimons tellement le ciel
C'est parce qu'à chaque instant il change -devant nos yeux-
Et nous rappelle ainsi
-Qu'à chaque instant tout change-
L'herbe que le vent frôle
Chaque brin d'herbe pousse ou se rétracte
Le souffle même du vent
La chenille agonisante dans le chemin qui ne sera jamais papillon
Voit-elle l'ultime révélation dans une dernière torsion
Dans une dernière torsion sous le ciel ?
Que voit-elle? Ses ailes ?
Ces ailes qu'elle n'aura jamais ?

Et moi, dans ma dernière torsion auprès de toi, qu'ai-je vu ?
Étaient-ce tes ailes ?





Odd Nerdrum









lundi 23 mars 2020

Par delà le bruit





Par delà le bruit des rivières et du vent
s'inspirer du moment présent
par amour j'ai presque oublié
ce qui arrive
cet enfermement collectif
et solidaire
des solitaires

si nous formons une chaîne
si tu tiens je tiens





















dimanche 22 mars 2020

Désert de pensées







Ce matin j'ai dansé autour du piano pendant que François jouait une polonaise de Chopin. 
Pour le moment ici on nous autorise encore à aller dans le jardin, ce n'est pas le cas de ceux qui n'ont pas pu s'en acheter une parcelle. Les parcs et les lieux de promenade ici aussi sont désormais fermés et nos enfants ni nos chiens ne peuvent plus courir. Il y a tant d'enfants à empêcher de courir sur la Terre...
Ce matin j'ai aussi visionné une conférence de TED où Ralph Hammer explique comment dessiner (même sans "savoir") nous aide à penser...
Si je devais dessiner mes pensées en ce moment je dessinerais un désert où chaque grain de sable est VIVANT. Il me faudrait des kilomètres de feuilles. 




















vendredi 20 mars 2020

À quoi tu penses ?












À quoi tu penses le soir lorsque tu t'allonges ?
Toi, homme
Essayes-tu de te rappeler de toutes les filles que tu as aimées ?
Puis des femmes ?
Toi, femme, te souviens-tu d'eux ?
De tous ces désirs d'hommes ?

À quoi penses-tu en t'endormant ?
Envoies-tu des baisers et des battements de cœur 
à chacune des personnes que tu aimes ?
Ou bien est-ce que tu pries ?
Est-ce que tu fixes ton attention sur un point brûlant sous tes paupières
Un soleil intérieur ? Un feu ?

Vers quelles contrées ton esprit voyage-t-il ?
Visites-tu les maisons écroulées de ton passé ?
Te projettes-tu vers un avenir incertain ?
Te rappelles-tu le nom de cette plage près de laquelle tu as failli mourir ?
Te demandes-tu si un jour tu y retourneras ?

Parfois ou bien chaque soir...
poses-tu la main sur le drap pour savoir
Si la personne que tu attends 
est bien là ?
Et jusqu’à quand ?








dimanche 16 février 2020

Ricochets






Tout n'est pas comme l'été
Parfois on ne se rend pas compte que ça se termine
Nous avons habilement réussi à trouver un équilibre
Comme assis ensemble sur un banc posé sur un sol argileux

Nos rencontres sont une suite de cailloux jetés en ricochets
Je me souviens encore du bruit de chacun tombant dans l'eau
Un petit anneau d'écume s'est formé autour d'eux
J'en porte la marque secrète à certains de mes doigts









Les tendres plaintes












Je lis le livre de Yôko Ogawa où sont rassemblées tant de beautés:

"Une libellule venue de nulle part
volait au ras de l'eau à la hauteur limite qui lui permettait de ne pas mouiller ses ailes. 
Un couple de papillons jaunes la suivait de près.
Un jaune concentré au point de donner le vertige." ( Ed BABEL p 147)


" La moindre chose a une forme absolue qui soutient son existence. Une forme existentielle accordée par le ciel. Le seul moyen pour moi est d'en suivre le contour avec sincérité" ( Ed BABEL p 148)







Merci à Lydie de m'avoir fait découvrir ses livres.













samedi 15 février 2020

Marcher de nuit



marcher de nuit
dans l'herbe givrée
entre l'eau et la glace
attentifs aux bruits étouffés des oiseaux
se retournant dans leurs abris
observer dans les flaques
à la faveur d'un éclat de lune
les minuscules remous des nématodes 
en suspension dans l'eau
l'air frais imprégné d'obscurité encore 
et d'humides tentatives
se fier à notre sens de l'orientation
c'est là oui je crois j'en suis sûr
viens suis moi mais ne fais pas de bruit
debout devant nous dans l'ombre 
un grand cerf respire dans un nuage carboné
aussitôt jambes repliées bras entourant les genoux
disparaissant au profit de sa vie grandiose
et mystérieuse
nous là
alors un baiser 
inattendu et explicite
d'une évidence silencieuse et nue
nous enracine dans l'aurore
orangée








samedi 25 janvier 2020

Je m'applique



C'est comme essayer de tenir un objet
 dont on ne connait pas l'utilité
 dans les mains pour la première fois. 
Comment le tenir ? Est-ce fragile ? 
Présente-t-il un risque (de brûlure, de coupure etc...) ?
Je me concentre, je jauge,
 quand d'autres s'accrochent
je m'applique.












lundi 13 janvier 2020

Les grands frères et les grandes sœurs

Les Grands Frères


Amis pleins de rumeurs où êtes-vous ce soir
Dans quel coin de ma vie longtemps désaffecté ?
Oh ! Je voudrais pouvoir sans bruit vous faire entendre
Ce minutieux mouvement d'herbe de mes mains
Cherchant vos mains parmi l'opaque sous l'eau plate
D'une journée, le long des rives du destin !
Qu'ai-je fait pour vous retenir quand vous étiez
Dans les mornes eaux de ma tristesse, ensablés
Dans ce bief de douceur où rien ne compte plus
Que quelques gouttes d'une pluie très pure comme les larmes ?
Pardonnez-moi de vous aimer à travers moi
De vous perdre sans cesse dans la foule
O crieurs de journaux intimes seuls prophètes
Seuls amis en ce monde et ailleurs !

René Guy Cadou




L'HOMME APPROXIMATIF (extrait)

I

dimanche lourd couvercle sur le bouillonnement du sang
hebdomadaire poids accroupi sur ses muscles
tombé à l'intérieur de soi-même retrouvé
les cloches sonnent sans raison et nous aussi
sonnez cloches sans raison et nous aussi
nous nous réjouirons au bruit des chaînes
que nous ferons sonner en nous avec les cloches

quel est ce langage qui nous fouette nous sursautons dans la lumière
nos nerfs sont des fouets entre les mains du temps
et le doute vient avec une seule aile incolore
se vissant se comprimant s'écrasant en nous
comme le papier froissé de l'emballage défait
cadeau d'un autre âge aux glissements des poissons d'amertume

les cloches sonnent sans raison et nous aussi
les yeux des fruits nous regardent attentivement
et toutes nos actions sont contrôlées il n'y a rien de caché
l'eau de la rivière a tant lavé son lit
elle emporte les doux fils des regards qui ont traîné
aux pieds des murs dans les bars léché des vies
alléché les faibles lié des tentations tari des extases
creusé au fond des vieilles variantes
et délié les sources des larmes prisonnières
les sources servies aux quotidiens étouffements
les regards qui prennent avec des mains desséchées
le clair produit du jour ou l'ombrageuse apparition
qui donnent la soucieuse richesse du sourire
vissée comme une fleur à la boutonnière du matin
ceux qui demandent le repos ou la volupté
les touchers d'électriques vibrations les sursauts
les aventures le feu la certitude ou l'esclavage
les regards qui ont rampé le long des discrètes tourmentes
usé les pavés des villes et expié maintes bassesses dans les aumônes
se suivent serrés autour des rubans d'eau
et coulent vers les mers en emportant sur leur passage
les humaines ordures et leurs mirages

l'eau de la rivière a tant lavé son lit
que même la lumière glisse sur l'onde lisse
et tombe au fond avec le lourd éclat des pierres

les cloches sonnent sans raison et nous aussi
les soucis que nous portons avec nous
qui sont nos vêtements intérieurs
que nous mettons tous les matins
que la nuit défait avec des mains de rêve
ornés d'inutiles rébus métalliques
purifiés dans le bain des paysages circulaires
dans les villes préparées au carnage au sacrifice
près des mers aux balayements de perspectives
sur les montagnes aux inquiètes sévérités
dans les villages aux douloureuses nonchalances
la main pesante sur la tête
les cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous partons avec les départs arrivons avec les arrivées
partons avec les arrivées arrivons quand les autres partent
sans raison un peu secs un peu durs sévères
pain nourriture plus de pain qui accompagne
la chanson savoureuse sur la gamme de la langue
les couleurs déposent leur poids et pensent
et pensent ou crient et restent et se nourrissent
de fruits légers comme la fumée planent
qui pense à la chaleur que tisse la parole
autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous

les cloches sonnent sans raison et nous aussi
nous marchons pour échapper au fourmillement des routes
avec un flacon de paysage une maladie une seule
une seule maladie que nous cultivons la mort
je sais que je porte la mélodie en moi et n'en ai pas peur
je porte la mort et si je meurs c'est la mort
qui me portera dans ses bras imperceptibles
fins et légers comme l'odeur de l'herbe maigre
fins et légers comme le départ sans cause
sans amertume sans dettes sans regret sans
les cloches sonnent sans raison et nous aussi
pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne
sonnez cloches sans raison et nous aussi
nous ferons sonner en nous les verres cassés
les monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies
les débris des fêtes éclatées en rire et en tempête
aux portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres
les tombes d'air les moulins broyant les os arctiques
ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel
et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu

je parle de qui parle qui parle je suis seul
je ne suis qu'un petit bruit j'ai plusieurs bruits en moi
un bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide
aux pieds des hommes pressés courant avec leur morts autour de la mort qui étend ses bras
sur le cadran de l'heure seule vivante au soleil

le souffle obscur de la nuit s'épaissit
et le long des veines chantent les flûtes marines
transposées sur les octaves des couches de diverses existences
les vies se répètent à l'infini jusqu'à la maigreur atomique
et en haut si haut que nous ne pouvons pas voir avec ces vies à côté que nous ne voyons pas
l'ultra-violet de tant de voies parallèles
celles qui nous aurions pu prendre
celles par lesquelles nous aurions pu ne pas venir au monde
ou en être déjà partis depuis longtemps si longtemps
qu'on aurait oublié et l'époque et la terre qui nous aurait sucé la chair
sels et métaux liquides limpides au fond des puits

je pense à la chaleur que tisse la parole
autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous

Tristan Tzara



FOURMI


Une fourmi fait un trajet
De cette branche à cette pierre
Une fourmi, taille ordinaire
Sans aucun signe distinctif
Ce matin, juin, je crois le sept.
Elle porte un brin, un fétu
Cette fourmi, taille ordinaire
Qui n'a pas la moindre importance
Passe d'un trot simple et normal

Il va pleuvoir, cela se sent
Et je suis seul. Moi, seul au monde
Ai vu passer cette fourmi
Au temps des Grecs et des Romains
D'autres fourmis couraient ainsi
Dont rien jamais ne parle plus
Cette fourmi, taille ordinaire
Sans aucun signe distinctif
Qui serait-elle ? Comment va-t-elle ?

Et toi et moi qui sommes-nous ?
Et comment tournent les planètes
Qui n'ont pas la moindre importance ?
Que fait l'histoire au fond des cœurs
Et comment battent ces cœurs d'hommes
Qui n'ont pas la moindre importance ?
Que font les fourmis de l'esprit ?

Ce matin, juin, je crois, le sept.
Sans aucun signe distinctif
Il va pleuvoir, cela se sent
Cela fera du bien aux champs
- Et ta fourmi, taille ordinaire
Qu'en as-tu fait ? Que devient-elle ?
Crois-tu qu'elle était amoureuse ?
Crois-tu qu'elle avait faim ou soif ?
Crois-tu qu'elle était vieille ou jeune
Ou triste ou gaie ?
Intelligente ou bien quelconque ?
Pourquoi, pourquoi
Pourquoi, pourquoi
Ça n'a-t-il pas plus d'importance ?
Pourquoi, pourquoi
Ça n'a-t-il pas plus d'importance ?
Pourquoi... Pourquoi
Pourquoi... Pourquoi
Pourquoi... Pourquoi
Pourquoi ?

NORGE

« On est devenu soi-même imperceptible et clandestin dans un voyage immobile. Plus rien ne peut se passer, ni s'être passé. Plus personne ne peut rien pour moi ni contre moi. Mes territoires sont hors de prise, et pas parce qu'ils sont imaginaires, au contraire : parce que je suis en train de les tracer. Finies les grandes ou les petites guerres. Finis les voyages, toujours à la traîne de quelque chose. Je n'ai plus aucun secret, à force d'avoir perdu le visage, forme et matière. Je ne suis plus qu'une ligne. Je suis devenu capable d'aimer, non pas d'un amour universel abstrait, mais celui que je vais choisir, et qui va me choisir, en aveugle, mon double, qui n'a pas plus de moi que moi. On s'est sauvé par amour et pour l'amour, en abandonnant l'amour et le moi. On n'est plus qu'une ligne abstraite, comme une flèche qui traverse le vide. Déterritorialisation absolue. On est devenu comme tout le monde, mais à la manière dont personne ne peut devenir comme tout le monde. On a peint le monde sur soi, et pas soi sur le monde. » Gilles Deleuze


N'envoyez pas de lettres


N’envoyez plus de lettres, seulement des feuilles
D’arbres, que le soleil détache ou le vent cueille
Ou l’automne abat et dépose entre vos mains.
Je ne les recevrai jamais le lendemain,
Mais j’ai depuis toujours l’habitude d’attendre
Et mon cœur, de veiller, n’en sera pas moins tendre.
Vous ne pourrez, c’est vrai, rien écrire dessus,
Cependant je lirai comme si j’avais su
Les paroles que vous formulez dans votre âme
Tant vos rêves pour moi ont l’éclat de la flamme.
Choisissez les couleurs suivant le ton des jours ;
Que la feuille soit fraîche si le ciel est lourd,
Et d’un vert bien profond si le ciel est trop pâle.
Qu’elle soit de chêne et blonde comme le hâle
Au front d’un bel enfant, quand s’achève l’été,
Et lorsque vient Novembre, afin de refléter
Ce qu’il ensevelit et ce qu’il remémore
Veuillez me cueillir une feuille au sycomore.
(Mais qu’elle soit de hêtre, d’aulne ou d’olivier,
que m’importe après tout pourvu que vous viviez !)
Et si, dans le futur, un jour Dieu vous propose
Par hasard le bonheur, pour me dire la chose
Envoyez simplement une feuille de rose.

Aliette Audra
 (Paris, 1897 - Lausanne, 1962)