vendredi 4 août 2023

Je m'en vais

 

Je suis allée chercher les mirabelles et les fruits murs sont tombés dans mes mains. La douceur des fruits dorés et odorants m'a ramenée vers toi, qui m'offrais aussi tes fruits dans leurs douces enveloppes. Et je les prenais. Ridicule érotisme des récoltes souvent vaines.

Ici les oiseaux sont passés avant moi, et ils ont troué de leurs becs avides et pressé les mirabelles les plus sucrées. Des gouttes ont cristallisé leurs sucs en bulles ambrées et collantes. Les fruits troués jetés au sol attendent de servir d'offrande aux fourmis. Et aux bêtes basses de la terre. 

Cette année, nous avons permis aux branches de descendre jusqu'au sol, Jaldara n'étant plus là pour son orgie de sucre alcoolisé par le soleil brûlant. Tout a poussé, et les petites filles feront leurs petites récoltes tardives. Je leur laisse les fruits encore trop verts qui seront à point pile pour leur venue.

Certaines prunes ont pourri de façon compacte et absurde. Abcès abject au centre de la vie. la mort ne choisit pas : elle prend ce qu'elle trouve. Parfois tout en bas des branches, les petites, isolées, parfois tout en haut, parmi les foules compactes promises à la confiture. La déconfiture des prunes me fait rêver.

Une punaise en camouflage fait la course avec mes mains. Elle me craint davantage que je ne la crains. Elle sent que deux de mes doigts en étau suffiraient à l'envoyer au paradis des insectes. Pour les animaux, il n'y a pas d'enfer. Ils ne font que ce qu'ils doivent, n'obéissant qu'à la puissance de leur instinct naturel, pas comme nous, qui nous imposons de faire des choix, pour en tirer les conséquences parfois délétères. 

Cours, punaise, je ne t'enlèverai pas la vie. Ton costume d'écorce si bien imité te protégera encore longtemps contre l'étrangère que je suis ici. Seuls les mots courent jusqu'à la feuille...de papier. Puis, les chiffres les remplacent...Un, deux, trois...Une, deux... Un, deux trois quatre cinq...Les mirabelles ont rempli mon panier. Je m'en vais.