vendredi 27 décembre 2019

Jusqu'où ?





le silence te garde
avec toi je voudrais faire demi-tour
les corps sont immobiles
il faut accepter que tu dises non
quelque chose va s'ouvrir
dans cette frontière entre la vie et la mort
jusqu'où peut-on abaisser la lumière ?







Stephen Early (merci)






mercredi 18 décembre 2019

j'ai rêvé que je te contenais







(ce matin c'est le rituel de préparation de l'atelier : nettoyer les tables, remplir les pots d'eau
au milieu un rêve de cette nuit flotte)




 j'ai rêvé que je te contenais
de nos jours plus personne ne dit rien ou bien chacun parle trop
de tout, de Greta Thumberg, ou de l'épluchage des noix de cajou
on se prend comme ami sur la toile comme de grosses araignées affamées
on se jette quand l'enveloppe a été vidée de toute substance nourrissante
affairisme marchandages promotion vomissures et survie
j'ai rêvé que je te contenais
Tu m'as souvent dit que cela te faisait du bien
De t'enrouler dans une couverture 
Là où le vide soudain était repoussé d'un cran
j'ai rêvé que je te contenais
le bonheur de l'avoir fait submerge tout
je suis l'eau
je suis la mer dans tes bras
J'en ai rêvé.













jeudi 12 décembre 2019

Eclairée








Moi j'aimais bien les matins pleins d'oiseaux
La solitude dans l'ombre du grand saule
C'est l'arrière-pays de mon cœur
Au moment où tout s'enfonce
J'y pense à rebours
Éclairée




Sol Halabi









dimanche 24 novembre 2019

Pour que tu soies là






je regarde mes doigts étonnée
ils ont pourtant longé tes joues
ils ont affronté la douceur de tes lèvres
en eux se dépose la mémoire de toi
et parfois ils ferment mes paupières
pour que tu soies là














vendredi 15 novembre 2019

Conrad Michel




Écrire, ce n’est pas seulement se consacrer à une forme littéraire particulière, – comme on exhiberait une tenue vestimentaire, lors d’une revue de mode, c’est accomplir, en secret, invisiblement, à l’insu de tous, un formidable travail d’écoute de soi-même, de cet océan intérieur aux mille tempêtes, c’est tenter de reconstruire le monde selon son cœur, d’effectuer un travail d’orpailleur sur les mots, sur le langage, c’est aussi, et avant toute chose, une façon de vivre, une façon d’être dans l’attente éperdue de l’amour, c’est jeter sur le monde un regard qui attend, à chaque seconde, une sorte de miracle, c’est avancer dans la vie en essayant de susciter cette différence infime, mais décisive, qui sépare le monde prosaïque du poème, car, dans ces creusets alchimiques, ces forges de Vulcain où sommeille et se réveille, sans cesse, le feu, le poème n’existe que pour arracher une parcelle scintillante de rêve et la porter à la lumière, aux yeux de tous, sans avoir le souci obstiné de la perfection formelle, car le diamant brut trouvera toujours les regards sensibles auxquels il est, de toute éternité, destiné.




Et puis il cite Rimbaud :
"J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse." 

mardi 12 novembre 2019

Porte








Cette porte
J'aime qu'elle soit ouverte
Au soleil
Au vent ou à la pluie au froid même
Aux bruits ou au silence
Que les pas y parviennent
Un par un
Ou groupés en désordre
De jour comme de nuit
Cette porte bat au vent d'Autan
Au sirocco ou pour un simple courant d'air
Elle ne claque jamais
Ne grince pas
Elle attend toujours prête
Toute droite
Si tu pars
Tu l'emportes.















dimanche 10 novembre 2019

Me retenir




ne plus être lue, ne plus être vue
ne plus être regardée
ne plus pouvoir me mouvoir ni respirer comme avant
revenir au plus secret de moi
ce qui ne se dit pas ne se montre pas
revenir au plus tendre
au plus doux de moi-même
revenir au cœur
au centre
revenir là 
et me retenir


















Ne sommes-nous pas amis ?






parce que nous avons été amants
ne sommes-nous pas amis ?
parce que je connais ton sexe et que tu connais le mien
ne sommes-nous pas amis ?
parce que tu as emprunté le chemin qui mène au plus secret de moi
ne sommes-nous pas amis ?
parce que nous nous sommes ouverts nos portes
ne sommes-nous pas amis ?
parce que nos silences se sont fondus
ne sommes-nous pas amis ?
se sont fondus comme de l'or
comme de l'eau qui dort
ne sommes-nous pas amis ?






Sergio Helle (merci)














samedi 2 novembre 2019

Elle va où ?







petite momie (mummy)
petites entrailles (entre aïe)
alors je me disais tout à l'heure
qu'on ne s'éteint plus comme des bougies
mais qu'on claque comme des ampoules
et l'eau de la neige qui ne tombe plus
elle va où ? hein ?





JCS (merci)













dimanche 29 septembre 2019

(Il fait bon) sur tes mains






je souffle sur tes mains (mais elles restent froides)
mes mots (ne) touchent (plus) tes oreilles
ton sourire (ne) vient (plus) effleurer mes lèvres

il fait (pourtant) bon
le temps est exceptionnel
(ne l'est-il pas à chaque instant?)






Sculpture : Claire CURNEEN













mardi 20 août 2019

Pécheresse









chaque matin elle regarde si un pêcheur a mordu à l'hameçon
pécheresse elle même, elle les connait bien les gros poissons
leur faim les trahit leur regard luit leurs lèvres s'entrouvrent
quand ils la voient ils sourient tout en eux l'approuve


















Je n'ai jamais appris à danser








je n'ai jamais appris à danser
j'aurais aimé que quelqu'un m'apprenne
j'aurais aimé apprendre
sans doute n'est-il pas trop tard
lui, il aime danser avec d'autres
celles qui savent
celles qui ont appris
elles peuvent lui apprendre, à lui
moi, je danse n'importe comment
comme une enfant
j'ai toujours fait ça
la valse c'est un, deux, trois
et ensuite je saute partout
je n'ai jamais appris à danser
j'aurais aimé qu'il m'apprenne
à tout hasard















jeudi 25 juillet 2019

Bonne nuit







Un jour j'aurai dit tout ce que j'avais à dire
j'aurai fait tout ce que j'avais à faire
ce sera le repos, la délivrance, la bonne nuit.

Alors enfin je le reprendrai dans mes bras
ou bien lui me prendra
et nous dormirons ensemble.















Béante








Ils n'ont pas assouvi ma soif
Ils n'ont pas refermé mes blessures
Ils n'ont pas trouvé les mots
Ils ne m'ont pas comblée
Je suis la nuit ouverte et noire
Je suis le chemin
Je suis béante











mercredi 26 juin 2019

Première récolte











première récolte de camomille
je suis revenue du jardin les poches encore remplies
d'abricots et de petites pommes vertes
le vent déportait des hirondelles

















mardi 18 juin 2019

En attendant l'ombre









en attendant que ton ombre soit projetée vers moi
il n'y a rien d'insurmontable à marcher, le soleil dans les yeux

rejetée comme l'océan rejette les noyés
je me perds dans tes multitudes
te revoir serait trop d'honneur














dimanche 16 juin 2019

Encore, toujours







regarder se mourir en nous les mondes que les autres ont ouvert 
de leurs plumes de leurs mains de leurs regards ou de leurs baisers
sentir le froid les envahir et tout un pan s'écrouler tel un mur pilonné
de leurs mots de leur rire de leur cruauté innocente de leur mort
blinder les failles béantes masquer les découvertes catastrophiques
d'une écharpe leur entourer le cou 
d'un mouvement rageur leur tourner le dos
repartir seul
encore
toujours






Chaque ami représente un monde en nous, un monde qui n'aurait peut-être jamais existé sans lui et que cette rencontre a rendu possible.
Anaïs Nin



Dylan Moore (merci)





mardi 11 juin 2019

L'unique aujourd'hui







On se met parfois à la merci* d'une caresse sur la nuque ou d'un téléphone qui ne sonne pas. 
Dans la folie douce de ces derniers mois aujourd'hui a quelque chose de spécial, sans doute parce que j'ai pris le temps d'en réaliser l'aspect unique. 
Rien de particulier a priori dans cet aujourd'hui.
J'ai passé deux heures et demie avec mes parents qui se sont pourtant parlés devant moi avec une douceur rare. 
J'ai promené ma chienne dans un parc où je vais quasi quotidiennement, en compagnie de C. qui s'est remise au dessin (elle a entrepris de faire le portrait de J. poil par poil 😉). 
Je mets de l'ordre dans mes affaires. Le passage du temps imprime ses marques dans la poussière sur les meubles, et dans la profondeur des rides des gens que j'aime. 
Ma fille est à New York et penser à son dépaysement se greffe sur mes désirs de repartir voyager un peu. Je rêve de là où je n'irai pas, et ma frontière se limite à demain.
J'ai deux jours devant moi pour peindre.
Pour mémoire, et pour voir clair, je classe des photos et des textes.








*Le « merci » employé dans cette expression dès le XVIe siècle n’a rien à voir avec un remerciement. En effet, il vient du mot latin merces dont le sens fut tout d’abord « salaire » ou « récompense », puis « faveur » et enfin « grâce ». « Être à la merci » d’une personne signifiait alors que l’on était « soumis à son droit de grâce ». D’autres expressions, dès le XIIe siècle, avaient déjà un sens proche comme « crier merci » qui signifiait « implorer grâce », ou « sans merci » qui voulait dire « sans pitié ». Mais au fil des siècles, cette expression a perdu de sa force pour désigner aujourd’hui le fait d’être « sous l’emprise de quelqu’un ».








jeudi 30 mai 2019

je ne te chercherai plus









je ne te chercherai plus dans l'affirmation des lumières
ni dans le rêve, ni dans la réalité
je ne te chercherai plus dans la douceur des mots
Il y a quelque chose d'apaisant dans l'aveu
quelque chose de régulier et doux
comme un balancement
voilà c'est ça je m'en balancerai
je ne te chercherai plus dans l'ivresse
je ne te chercherai plus dans la sobriété
quelque soit le sentiment qui m'anime
je ne le partagerai plus avec toi
comme un arasement 
voilà c'est ça je me dés-agglomérerai
la terre m'humus-era
je deviendrai
filament
truffe
;)




























samedi 25 mai 2019

J'entends





tous ces enfants au Yemen
ces milliers de noyés en Méditerranée
les abeilles, les lions, les rhinocéros, les hérissons inoffensifs
quatre vingt dix éléphants tués par des braconniers
le chat de Tijani
les belges sans protection sociale

j'entends
 il va donc falloir mourir






Annabel Mongomerie




























mardi 21 mai 2019

l'amour sans intérêt







comment se manifeste l'amour véritable ?
c'est une question qu'on peut se poser durant toute son existence
ce qui me frappe c'est qu'apparemment, 
on n'a pas besoin de s'intéresser à ce que fait l'autre
ni même à ce qu'il/elle est
il suffit de s'en faire une idée
et de s'y tenir
peut-on aimer sans s’intéresser à ce qui intéresse l'autre ?
je me le demande
être curieuse de toi
que tu sois curieux de moi
que tu cherches ce que je cherche
que je m'interroge de tes questionnements

que tu aies faim de ma soif
que je boive à ta faim
que ton appétit me nourrisse
que ma satiété te comble

tout plutôt que
ce tournoiement continu
au détriment de mon équilibre
cette flottaison bâtarde

ce consensus mou








Steven Early (merci)












dimanche 19 mai 2019

Mines






parce que toi tes doigts doux travailleurs
toi tes rires si francs
tes mots pesés
comme des pépites

toi
au ciel ouvert
à cœur
tes mines d'or



















vendredi 17 mai 2019

Imperceptible







Il y a dans la douleur 
quelque chose d'imperceptible
imperceptible parce qu'on lui met 
un doigt sur la bouche
beaucoup de choses 
peuvent
se cacher 
derrière 
la dignité







Natacha Mikouline memori mori










mercredi 8 mai 2019

Muettes








Il faudrait une maison suffisamment grande pour accrocher tous mes tableaux
Si ç'avait été des morceaux de musique on pourrait tous les écouter
Mais non il a fallu que ce soit des peintures
Empilées dans des placards à papier feuille après feuille
Comme des strates
Ou figées sous un verre
Les unes contre les autres
Muettes













vendredi 3 mai 2019

Où mes yeux se ferment










L'abricotier a des fruits roses et verts 

Les céanothes sont d'un bleu magnifique
sauf le plus vieux
il se réserve...
Il y a plein de petites figues
Et bientôt deux toutes petites filles
Dans ce jardin
dans ce jardin qu'une femme snob m'a vendu 
en me disant
vous verrez rien ne pousse
Tout pousse
Les oiseaux y plantent des palmiers
Les amis y taillent la vigne
Certains viennent se baigner nus
C'est le jardin où mes chats ont grandi
celui où mes filles ont aimé
où François plante de l'oseille
de la ciboulette, du thym, des pommes de terre
C'est le jardin où je respire
Où je flâne
Où mes yeux se ferment.



















dimanche 28 avril 2019

Flingué










Pour tes trente ans tu n'as rien trouvé de plus beau de plus haut de plus vrai
Que de te faire dézinguer en plein bal
Tu dansais tout seul désarmé devant ces huit grosses blattes noires caparaçonnées
Pour une histoire de pont à traverser, tout un symbole
Une balle là où les hommes ont peur d'avoir mal
Mais ils ont raté leur coup 
Tu es toujours un homme mon fils
Bien plus beau 
Que ces lâches
Sous leurs casques à facettes
Qu'ils retournent vite  jouer aux fléchettes
Sur d'autres cibles que nos enfants !






Anna Madia








mardi 16 avril 2019

Mardi







Quel jour sommes-nous ?
Ah oui : mardi
Peu importe
Je pense à toi chaque jour






Andrea Boyer




lundi 25 mars 2019

Lettre






si tu ne m’enveloppes plus 
j'irai danser sur des cailloux
je creuserai un trou
il n'y aura plus de mue
laisse-moi être 
chrysalide
limpide
fougère
dépliée
aile
de 
libellule
lychen
papier ciseau










ill : Andrey belichenko







dimanche 24 mars 2019

Nager nue








Il faut reprendre la traversée 
sans crainte de la profondeur de l'eau
avancer, avancer, ne jamais plus retourner
vers ces rives habitées et connues
tout y abandonner
nager nue








ill : Andrea Boyer (merci)

















vendredi 22 mars 2019

adieu







avec les changements de google, j'ai perdu 6 abonnés 
...déjà que j'en avais que 9 ;)




🔁







jeudi 21 mars 2019

A l'envers






C'est une bien étrange conception de la vie 
que de laisser souffrir les gens qui  vous aiment
et de ne se préoccuper 
que de ceux qui vous font du mal
C'est comme un printemps avorté
Un baiser sans lèvres

C'est la raison pour laquelle
je demande
à dormir longtemps
et sans rêve

















dimanche 17 mars 2019

Croire







Est-ce que lorsque quelqu'un s'éteint 
Quelqu'un d'autre s'allume ?
je veux y croire



















mercredi 13 mars 2019

traversé de rien










il faut rentrer doucement dans la lumière
la laisser dessiner Jaldara jouant à contre-jour
placer le pied posément entre chaque galet
éviter de rien déplacer
le regard émerveillé par la minuscule immensité de l'herbe
projetant des ombres comme celles des trembles
en tout petit sur le chemin
il faut sentir le vent pousser dans votre dos
avancer au rythme de son souffle
attendre que la ligne de nuages redémarre
comme un train sur un quai de gare
et se sentir traversé de rien







lundi 11 mars 2019

Disproportion






Il l'aimait comme un fruit
Elle l'aimait comme un arbre
Il l'aimait sans parfum
Elle voulait s'enfouir en lui
Il ne voulait rien garder
Elle voulait tout connaître

Son amour était trop grand
Il ne lui allait pas







Early









mercredi 6 mars 2019

Secondaire









C'est l'histoire d'un personnage secondaire. Un qui ne saurait rien de son manque d'importance, qui ne serait là que pour témoigner de la présence des autres. Il entendrait tout, subirait tout, se souviendrait de tout. Il serait totalement impuissant, soumis aux événements, ne pourrait rien enrayer ni impulser. Il serait le serviteur éperdu.
Il demeurerait anonyme. Personne ne se souviendrait de son nom (il sonnait pourtant bien)
Il mourrait seul et oublié.
Il avait pourtant bien joué son rôle.

























Parfois l'eau








parfois l'eau brille comme le feu
le sable brûle comme la peau
le temps se dissout comme un salaud
les portes s'ouvrent à nouveau
parfois la soif s'étanche un peu


















A toi









à toi l'oiseau qui se cogne à la vitre
le vide et le plein des jours
mes lettres muettes
le livre sur l'étagère
à toi les battements de mon cœur
les rides sur le lac
les prières des fous
la peur de mourir sans te revoir
à toi les pieds enfoncés dans le sable
la toile abîmée qu'on répare
le brouillard au bout du pont
à toi ce jour là
ce bonjour sur un quai de gare
cet adieu sans un regard
à toi cette poursuite
cette envie d'aimer là 
maintenant tout de suite
à toi la fuite
à toi l'eau des larmes
le bruit des rires éteints
la vie cette étrangeté infinie
à toi l'air que je respire
le verre que je peins
la transparence et le froid de la glace
où je ne te vois plus
à toi aimé
finir où tu commences
 et commencer où tu finis










A. Becker B








dimanche 3 mars 2019

Au bout de la nuit de sa vie de lie en lie





Au bout de la nuit de sa vie de lie en lie


Besoin d'être rassurée tenue soulagée ravie étonnée calée émue lovée vivifiée écoutée amie lue relue retenue remuée chassée enchâssée délivrée déliée démunie gravée datée coulée roucoulée classée déclassée pêchée empêchée dépêchée nettoyée dépêtrée tendue ...Besoin de marcher des heures des jours des nuits...Où sont-elles passées ces nuits à marcher sur des fils sur des routes mauvaises trouées mais pétries de bonheur d'espoir de mensonges de doutes et de duperies toutes plus brillantes les unes que les autres. Que sont devenus tes bras? Tes mains? Ton nom? Qui le porte? Le prononce? L'appelle? Je n'étais pas pour toi et tu n'étais pas pour moi. Qui l'a su? Qui le sait? Qui s'en souvient? La nuit dansée, rêvée, marchée dessus dessous dedans dehors. Les yeux que je portais sur moi étaient-ils les mêmes? Les yeux qui me restent s'ouvriront ils encore? Mes pieds m'emporteront ils au bout du voyage? Te rencontrerai-je encore une fois? Aurons-nous une chance cette fois?
Secoueras-tu la poussière qui me recouvre? Cloueras-tu le bec à toutes ces imbécillités féroces?
Me croiras-tu? Te prendras-tu au sérieux cette fois? Serons-nous adultes un jour?
Emmène-moi dans ces eaux-là, celles que je ne connais pas, qui montent sans jamais s'arrêter devant rien ni personne. Emmène-moi sur cette planche-là qui flotte, sur ce cachalot ventre en l'air, sur l'air de ça ira, attache moi avec ta ceinture de sécurité celle qui fait des nœuds coulants comme du fromage, surfons dans ces courants d'air de rien, glissons loin des rampes anti-collusion, misons là-dessus, tu veux?


1 02 2009




Edward Weston















mercredi 27 février 2019

mardi 26 février 2019

si tu tombes dans un ravin je tombe dans un ravin



"ce n'est pas de l'asservissement, c'est du souci de l'autre"
Alain Françon


MERCI


https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/tchekhov-le-reve-ou-la-vie-24-ivanov-ma-terre-me-regarde-comme-une-orpheline










Ivanov est un peu comme tous les personnages de Tchekhov. Ce sont des personnages qui n’ont pas de centre. On connait d’eux seulement des détails. Par exemple du passé d’Ivanov on sait qu’il a essayé des choses, qu’il a lutté contre des tabous, qu’il a travaillé. C’est d’ailleurs très beau lorsqu’il dit lors d’un monologue : « Ma terre me regarde comme une orpheline ». Cela dit d’une manière très pragmatique qu’il travaillait cette terre. On sait donc quelques éléments sur ces personnages mais ils n’ont pas de centre. Et finalement, toute la dramaturgie de Tchekhov n’est jamais centrée et c’est en ça que c’est génial : il est toujours à la périphérie. On va toujours de l’autre côté avec Tchekhov et je pense que c’est plus démocratique la périphérie… Alain Françon



Je crois qu’Ivanov avait une vision du monde, vraiment. Et cette vision du monde s’est cassée. Je trouve d’ailleurs très belle l’utilisation de la métaphore de ce paysan qui pour faire la malin se met deux sacs sur le dos et se « casse ». Françoise Morvan et André Markowicz ont choisi de traduire par le mot « casser » et c’est exactement ça : c’est cassé, il n’y a plus de vision du monde. Par exemple, la vision du monde de Borkine est présentée au deuxième acte lorsqu’il est dit « C’est l’âme de la société qui arrive ». Parce que Borkine a amené des feux d’artifices, qu’il est drôle etc. Et si l’âme de la société c’est Borkine, alors il est compréhensible qu’Ivanov ait perdu sa vision du monde. Ce qui est très émouvant chez Tchekhov, c’est qu’il y a toujours un personnage qui dit : « Peut-être que ce n’est pas pour nous, mais que nos enfants, nos petits-enfants, eux, comprendront ». C’est comme si Tchekhov savait qu’on pouvait avancer mais petits pas par petits pas, que ça prendra du temps. Alain Françon