S’immobiliser. Stopper la toupie verbale qui entraîne notre
esprit dans sa giration obsessionnelle.
Se taire passionnément. Et chaque fois qu’une association de
pensées se faufile, s’immisce dans une fêlure de notre attention, la rejeter
impitoyablement.
Ne rien faire, ne rien déranger.
Dériver.
Assise sur un rocher, je laisse le froid visiter l’épaisseur
de mes jupes.
Me traversent le crissement et les bruits, l’odeur de la
terre.
Suspension. Pointe aiguë. L’envie de crier.
Soudaineté de la perfection.
Je n’écoute pas. Les sons me recouvrent comme un lichen.
Je ne regarde pas. Les branches et leurs ombres poussent dans
les yeux ouverts.
Je ne respire pas. Un souffle régulier m’habite et me
scande.
Je ne flaire pas. Les odeurs m’enfouissent au ventre leurs
rhizomes.
Absence et suspension.
Où allais-je chercher l’aventure. ?
Une escapade semblable permet au moins deux découvertes : en
ne faisant rien, celui qui n’a rien fait a déjà fait beaucoup; et ce qu’il faut
à l’homme pour aller au bout de ses rêves et de ses possibilités n’est rien
d’autre que ce qu’il a déjà : son corps.
http://lesinsoumis.org/christiane-singer-la-transmission-de-lessentiel/